vendredi 30 juillet 2004

Une Périchole à l'orgue de Barbarie au Festival de musique mécanique des Gets

Spectacle créé lors du Festival international de la musique mécanique, aux Gets, en 2004


Dessin de Zaven Paré



SANS JOIE, PAS D’EXPLOIT, ou JOUER AVEC LA PÉRICHOLE

Même si la « pièce » à jouer est une aimable badinerie de virtuose offerte en son époque comme divertissement léger et insouciant, nul n’est besoin de l’actualiser outre mesure pour en entendre les accents encore tragiques : voici deux forains, chanteurs crève-la-faim, hors système, que le pouvoir veut asservir, corrompre, manipuler ; voici une femme, petite sœur d’opérette de la Dame aux Camélias, plus honorable sous ses dehors véniels et volages, frivoles et enjôleurs, que les Grands de son monde qui veulent la coucher dans leur lit ; voici un pauvre homme amoureux qui, comme le Figaro de Beaumarchais, apprend de sa femme (à laquelle il est lié d’« amour libre», comme on dit, parce que l’amour pas libre, le mariage, coûte trop cher) la loyauté, le courage alors qu’il s’en croyait trahi ;  voici deux bouffons, deux agneaux en pâture aux débauches de l’ennui royal, aux lâchetés de la cour qui désapprouve la tyrannie de son souverain mais n’ose aller contre, deux amuseurs publics qui vont au sacrifice pour sauver leur peau … Mais voici, en contrepoint, l’amour indéfectible, la fidélité des amants, la force de l’insolence.  Voici la corruption, la liberté, le despotisme, l’outrecuidance, la loyauté, la luxure, la couardise, la «débrouille» même élevée au rang de valeur, convoqués non pas pour un drame, mais pour une solide partition comique. Sans joie, pas d’exploit, c’est ma devise pour la scène, et donc pour la réalité. Le pari de monter cette Périchole à l’orgue de Barbarie est donc plus que plaisant à envisager.  Le procédé scénique choisi (l’espace forain, la distribution réduite, l’aspect ludique des costumes), nous invite à jouer non seulement La Périchole, mais aussi, avec la Périchole, Opéra-bouffe en 3 actes d’Offenbach, Melhac et Halévy. Il nous ouvre tout grand les portes de la distanciation, tout en conservant la vitalité et l’allégresse du morceau choisi. L’orgue de barbarie réduit la distance avec le public: voici bien un instrument de rue et de caboulot.Engager cette pièce faite de micro-tragédies, bardée d’allègres et même d’hilarants refrains dans un monde forain, celui de la Périchole et de Piquillio, c’est comme raconter un rêve de ces deux héros. Un rêve qui commencerait mal, planté d’épreuves et de périls mais qu’ils surmonteraient par leur joie de vivre et leur amour.  Il paraît qu’on rêve mieux le ventre vide.  Le Pérou n’est pas si loin !

 Anouch Paré, metteur en scène

PREMIÈRE FRICHE D’UN SPECTACLE EN DEVENIR
Lorsque Claude Paré, joueur d’orgue de Barbarie et Manivelle d’or du 10e Festival international de musique mécanique des Gets avec son spectacle Bourlingue, est venu proposer son projet à BAFDUSKA, Une Périchole à l’orgue de Barbarie, nous n’avons pas hésité à foncer dans l’aventure. Depuis ses débuts en 1989, la compagnie BAFDUSKA s’est distinguée dans la reconstruction de textes de théâtre de petit format et a présenté ses spectacles bien souvent dans un cadre autre que celui prévu à l’origine pour tout texte théâtral. Alors, jouer cette opérette d’Offenbach d’une quinzaine de protagonistes avec deux comédiens dont l’un jouerait deux personnages, sans autre orchestre que l’orgue de Barbarie et en prélude du 11e Festival international de la musique mécanique des Gets, ne pouvait qu’emballer la compagnie qui poursuit ainsi sa recherche d’un théâtre essentiel et forain.
Géral de Morin, directeur de BAFDUSKA


Photos prises par un spectateur lors de la représentation... sous la pluie


Cécile Leterme & Sylvain Savard